...« toute vérité n'est pas bonne à croire »...
C'est du moins ce que fait dire au personnage de Figaro le brillant Beaumarchais que l'on disait éloquent et insolent. J'entends très bien dans ma tête cette phrase comme aurait pu la prononcer Fabrice Luchini, dans le film Beaumarchais l'insolent, avec sa voix si particulière, sa prosodie unique.
J'aime beaucoup cette citation. Je la croyais très répandue, connue de tous, souvent reprise. Google n'en recense pourtant que 58. C'est loin du célèbre « toute vérité n'est pas bonne à dire » (que vous aviez dû lire dans le titre de ce billet) rapportée 858 fois. Grande surprise (pour moi). L'une et l'autre citation proviennent du même auteur... dans la même phrase.
Maintenant, on pourrait accoler ces citations très facilement à toutes sortes de textes ou d'événements. Récemment, via Van Gelder, un de mes carnetiers préférés j'ai trouvé une illustration claire de ce double principe. N'étant jamais trop prudent ;-), voici une traduction libre de l'extrait en question :
Les membres haut placés du gouvernement américain, comme Wolfowitz, donnent un exemple qui se répercute à tous les niveaux hiérarchiques. Un fonctionnaire du Pentagone, spécialiste de la politique au Moyen Orient, me décrivait comment quelques mois après le 11 septembre il a été fustigé par un attaché politique, un de ses supérieurs, pour avoir fourni une évaluation négative d'un projet de politique adressée au secrétaire à la Défense. Le fonctionnaire, répondant à la demande, a changé son évaluation mais a quand même inclus une liste de pour et de contre. Ça n'a pas suffi. Son supérieur lui a dit « Ce n'est toujours pas acceptable. Retirez tous les éléments contre et écrivez qu'il n'y a pas de raisons pourquoi nous ne devrions pas [faire ceci]. »
(Dans le long article original du Washington Monthly, ce paragraphe précède l'intertitre « Hide the Baloney ».)
Moi qui utilise et fait la promotion active de méthodes de réflexion (six chapeaux, ou S.H.) et d'argumentation, de groupe ou individuelle, afin d'améliorer la qualité de la prise de décision, d'en garder la trace du processus même (mémoire collective), etc., etc., ça serait un véritable cauchemar que de devoir travailler avec de tels personnages. Bien sûr, en mode téteux, je pourrais affirmer que ça serait un défi professionnel extraordinaire. Non. Pas envie. Pas du tout. Même avec des gens de bonne volonté (la grande majorité), bien encadrés et utilisant au besoin des outils intellectuels vraiment facilitants, la réussite ne se présente pas toujours au rendez-vous. Alors, ici...