(Thèmes : argumentation, ad hominem, sophisme, insulte, Michel Dumais.)
Dimanche 20 juillet 2003, dans deux grands quotidiens québécois, on pouvait lire le même texte de la plume de Laura-Julie Perreault (bel exemple de convergence) sous des titres légèrement différents :
La droite américaine cherche à dénigrer le journaliste Jeffrey Kofman
Son reportage sur l'intervention des É.-U. en Irak lui vaut d'être traité de "Canadien" et de "gai"
"Canadien" et "gai"
Le journaliste d'ABC, Jeffrey Kofman, subit les foudres de la droite américaine.
« La tension qui perdure dans les relations canado-américaines depuis la guerre en Irak a des répercussions jusque sur le travail des journalistes. Jeffrey Kofman, du réseau américain ABC, l'a appris à ses dépens. Des médias de droite, qui affirment avoir obtenu des informations de la Maison-Blanche, ont tenté de discréditer un de ses reportages en publicisant qu'il est "gai" et "Canadien". »
Toujours selon l'article de Mme Perreault cette manchette aurait été ensuite gaiement reprise par les animateurs radio de la droite conservatrice. Comme quoi parfois la bêtise réussit à faire des petits.
Différentes expressions font référence à ce type d'erreur de raisonnement :
- s'en prendre au messager
- campagne de salissage
- dénigrer l'adversaire
- ad hominem (origine latine mais utilisée en français et en anglais)
- attaque contre la personne
Attaque contre la personne — définition :
Une attaque contre la personne (argument dit ad hominem) est un mauvais argument (sophisme). On dénigre la personne qui défend un point de vue en s'attaquant à elle plutôt qu'à ses idées. On fait de l'évitement, du détournement d'attention. On ne répond pas directement aux arguments avancés par la personne. Cette argumentation est invalide lorsqu’elle prétend trancher sur le fond du débat.
Il existe toutefois des situations où l'attaque contre la personne peut être acceptable. Mais exception plutôt que règle. Pensons au cas des témoins repentis dans les procès des bandes de motards criminalisées. Le procureur de la couronne se doit de vérifier la crédibilité et les motifs du témoignage... ce qui ne doit pas l'empêcher aussi d'essayer de répondre (vérifier) aux faits avancés par le témoin.
Dans la très grande majorité des cas, l'attaque contre la personne est un moyen malhonnête d'argumenter. C'est jouer au magicien en détournant l'attention. Des spécialistes de l'éthique et de la communication, comme Gilles Gauthier de l'université Laval, s'y intéressent.
Il ne faut toutefois pas confondre l'insulte simple avec l'ad hominem. Quand Michel Dumais traite le dénommé Ostide de malpoli dans son billet-modèle, il prend le soin d'argumenter, de répondre aux opinions d'Ostide. Aucun abracadabra. Aussi, il ne pouvait pas vraiment compter sur la nature de l'insulte (malpoli) pour convaincre les lecteurs de l'invalidité des opinions de l'autre. Au contraire des épithètes de "Canadien" et "gai" contre Kofman qui elles se veulent des attaques contre sa crédibilité.
Pour en savoir un peu plus sur l'attaque contre la personne :
- Ad hominem : un interdit général mais qui peut avoir sa place (environ 2 pages)
- L'argument ad hominem dans les débats politiques télévisés : le cas des débats canadiens et québécois (1962-1994). Malheureusement on ne décrit que la communication et le texte n'y est pas. Quand même, selon cette description, ce que j'explique ici serait plus précisément l'attaque directe contre la personne.
- Le petit cours d'autodéfense intellectuelle. Intéressant.
- Livre électronique sur l'argumentation.
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